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Torture et violences sexuelles dans les conflits armés, des liens étroits. Evelyne Josse



Les grossesses imposées par la force. Des jeunes filles et des femmes sont violées de façon répétée jusqu’à ce qu’elles soient enceintes. Elles sont maintenues en captivité jusqu’à un terme avancé de la gestation et sont relâchées lorsqu’un avortement ne peut plus être pratiqué. Dans certains cas, il s’agit d’une stratégie visant délibérément à corrompre les liens communautaires en forçant les femmes à donner naissance à un enfant porteur de l’identité culturelle des bourreaux (comme ce fût le cas en ex-Yougoslavie). Dans d’autres cas, il s’agit d’une manœuvre de l’adversaire pour s’implanter dans une région en créant un métissage entre population locale et groupe d’occupation (par exemple, en République Démocratique du Congo).

Les violences sexuelles opportunistes. L’impunité dont jouissent les agresseurs (impunité des agents gouvernementaux, désorganisation des systèmes policiers et judiciaires, etc.) pousse des combattants et des civils à considérer le sexe comme un service facile à obtenir, moyennant pression.

Le viol opportuniste. Pour satisfaire leurs pulsions sexuelles, des hommes armés, tant combattants que civils, profitent de l’avantage que leur procurent leurs armes pour exiger les faveurs sexuelles des femmes de la communauté adverse, voire de la leur.

L’exploitation sexuelle ou les violences sexuelles comme monnaie d’échange. Dans les situations de conflit, des filles et des femmes sont contraintes de pactiser avec l’ennemi et d’entretenir des relations sexuelles avec des hommes occupant des postes de décision et de pouvoir (militaires, forces du maintien de la paix, passeurs, gardes-frontières, responsables de la distribution de l’aide humanitaire, etc.) pour avoir la vie sauve, assurer leurs moyens de survie (abri, nourriture, protection, etc.), obtenir le passage d’une frontière ou d’un check-point, acquérir des documents légaux importants, etc.

Les dévalorisations sexuelles. Les hommes, notamment lorsqu’ils sont retenus prisonniers, subissent des humiliations multiples par rapport à leurs organes sexuels et à leur masculinité : railleries, moqueries, insultes, féminisation du prénom, contrainte à porter des sous-vêtements féminins, etc. Les femmes sont parfois forcées de s’exposer nues au regard d’autrui et sont elles-aussi la cible d’affronts portant sur leur physique et leurs attributs sexuels.

Les pratiques traditionnelles dommageables. Les guerres peuvent favoriser la reprise et/ou le renforcement de pratiques traditionnelles. C’est le cas, notamment, des mutilations sexuelles féminines. Les communautés en conflit qui les pratiquent traditionnellement y recourent davantage comme moyen de renforcer leur identité culturelle. Les mariages précoces sont aussi plus fréquents en raison du risque de viol (incapacité à garantir le maintien de la pureté sexuelle des filles) et de l’appauvrissement dû à la guerre (mariage permettant d’obtenir la dot ou d’avoir une bouche en moins à nourrir).

Les violences sexuelles comme acte de torture, de génocide ou comme crime contre l’humanité

En droit international, le viol et les violences sexuelles peuvent être des éléments constitutifs d’autres crimes. Le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie a jugé, dans les affaires Delalić [3], Kunarac [4] et Furundzija [5], que le viol peut constituer une torture lorsque l’acte répond aux critères spécifiques constitutifs de la torture (par exemple, lorsqu’il est commis par un agent de la fonction publique ou à son instigation ou avec son consentement, avec la volonté de punir, de contraindre, de discriminer ou d’intimider ou dans le but d’obtenir des informations ou des aveux). Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a estimé, dans les affaires Akayesu [6] et Musema [7], que le viol et les violences sexuelles (mutilations sexuelle, stérilisation, contrôle forcé des naissances, fécondation délibérée) peuvent être constitutifs de génocide s’ils ont été commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie un groupe spécifique, ciblé en tant que tel. Dans l’affaire Akayesu, le même tribunal a qualifié de crime contre l’humanité les agressions sexuelles commises « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, sur une population civile, pour des motifs discriminatoires, en raison notamment de l’appartenance nationale, ethnique, politique, raciale ou religieuse de la victime ».

Torture et violences sexuelles, des effets similaires sur les victimes
Tout comme la torture, les violences sexuelles attaquent l’intégrité physique, psychologique et sociale des victimes ainsi que leur dignité et ont des effets durables de destruction identitaire.

Au niveau individuel, torture et violences sexuelles génèrent un traumatisme psychique et son cortège de symptômes (syndrome post-traumatique, troubles anxieux, dépressifs, comportementaux, etc.). Elles provoquent une altération des capacités cognitives (troubles de la mémoire et de la concentration, incapacité à penser, etc.), émotionnelles (baisse de l’estime de soi, auto-dévalorisation, honte, culpabilité, etc.) et comportementales (auto et hétéro-agressivité, conduites addictives, etc.) ainsi qu’un changement de personnalité (modification du caractère, de la relation à soi et à autrui). La capacité à désirer et à se projeter dans l’avenir sont également altérées.

Au niveau familial, torture et violences sexuelles engendrent fréquemment des dysfonctionnements familiaux. En effet, le retrait affectif des victimes ou, à contrario, une attitude de dépendance vis-à-vis des proches, leur irritabilité et leur agressivité, leur désintérêt des activités professionnelles et des loisirs, une démotivation généralisée et leur apathie perturbent le bon déroulement de la vie de famille. Par ailleurs, nombre d’entre elles sont écartées de leur foyer, soit qu’elles sont amenées à s’exiler loin des leurs dans les cas de torture, soit qu’elles sont chassées et mises au ban de la société dans le cas des violences sexuelles.

Au niveau social, torture et violences sexuelles entraînent une baisse globale du fonctionnement psychosocial. Les sentiments de valeur personnelle et de dignité humaine sont bafoués par les dévalorisations et les humiliations, la soumission à l’agresseur, la transgression forcée de valeurs et de tabous personnels (par exemple, devoir torturer un compagnon ou violer un membre de la famille pour ne pas être soi-même maltraité ou tué) et par la transgression forcée de valeurs et de tabous culturels (par exemple, être forcé à avoir des rapports sexuels considérés comme impies [8]). Le rabaissement des individus en deçà du rang de l’espèce humaine et les diverses transgressions provoquent une fracture avec l’univers de référence et une désaffiliation des groupes d’appartenance familiaux, communautaires, sociaux, politiques, religieux, ethniques, etc. Les victimes sont ainsi dépouillées du sens qu’elles ont d’elles-mêmes, dans leur culture et dans le groupe humain. Du fait que les sévices sont intentionnels et perpétrés par des humains, ces violences sapent les fondements même des rapports interpersonnels que sont la confiance et le respect.

Torture et violences sexuelles, des liens étroits

Torture et agressions sexuelles sont associées par des liens étroits. Ces deux formes de violences comptent parmi les plus graves qui soient et les plus rarement dénoncées. Leurs conséquences sur la santé physique, l’équilibre mental et le bien-être social des victimes sont particulièrement sévères, délétères et pérennes.

Le terme « torture » englobe une diversité de procédés dont les abus sexuels et le viol. Les femmes et les fillettes victimes de torture sont violées presque systématiquement par leurs bourreaux. Leurs pairs masculins sont souvent contraints à se livrer à des relations sexuelles avec leurs compagnons d’infortune et leurs organes sexuels sont fréquemment la cible des brutalités qui leurs sont infligées. Inversement, dans les contextes de conflits armés, les violences sexuelles sont souvent assorties de tortures (coups, chocs électriques, mutilations, suffocation, positions non physiologiques par suspension, isolement prolongé, travaux pénibles etc.).

Tout comme la torture, les agressions sexuelles sont infligées intentionnellement par un autrui malveillant. Elles causent des douleurs physiques et/ou des souffrances mentales aiguës. Elles peuvent être elles aussi perpétrées aux fins de discriminer, de punir, de contraindre, d’intimider ou d’obtenir des informations et être commises par un agent de la fonction publique, à son instigation ou avec son consentement. Lorsque l’acte répond à ces critères spécifiques, le droit international assimile le viol à la torture.

Conclusion

Tant pour les violences sexuelles que pour les tortures perpétrées en contexte guerrier, le constat d’une pratique massive peut être dressé. Qu’il s’agisse des rapports entre les unes et les autres en termes de qualification juridique, de méthode de domination hégémonique ou de séquelles pour les victimes, des convergences se dégagent. Le viol et les abus sexuels font partie de l’arsenal habituel des tortionnaires. Machines et méthodes de guerre, les agressions sexuelles et les tortures sont souvent associées à la mise en œuvre de dispositifs de domination ethnique et politique. Armes d’humiliation, d’assujettissement et de terreur, elles visent à annihiler l’identité des individus et à détruire les liens communautaires. Elles lèguent aux survivants des conflits armés un triple traumatisme, personnel, familial et social, souvent indélébile. Si diversement dévastatrices que soient les formes qu’elles empruntent, violences sexuelles et tortures ont bien en commun d’obscurcir les ombres monstrueuses des théâtres de la guerre.

[1] On entend par contrat social le pacte établi par la communauté des humains dans le but d’établir une société organisée et hiérarchisée. Il est un ensemble de conventions et de lois garantissant la perpétuation du corps social.
[2] De nombreux Hutus, qu’ils aient ou non participé au génocide des Tutsis, ont fui le Rwanda en 1994 par peur des représailles et se sont réfugiés au Congo. Parmi eux, les Interhamwés (miliciens rwandais responsables du génocide, dont le nom en Kinyarwanda signifie « ceux qui combattent ensemble ») ont grandement contribué à déstabiliser la région. Aujourd’hui encore, ils sont tenus pour responsables de nombreux pillages et viols.
[3] Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Chambre de première instance, affaire Le Procureur c/ Zejnil Delalić et consorts (jugement Celebici), décision Affaire n° IT-96-21-A.
[4] Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Chambre de première instance, affaire Le Procureur c. Kunarac et al., dossier n° IT-96-23/2), jugement, 22 février 2001.
[5] Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Chambre de première instance, affaire Le Procureur c/ Furunzija, décision Affaire n° IT-95-17/1.
[6] Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), Chambre de première instance, affaire Le Procureur c/ Jean-PaulAkayesu, Affaire n° ICTR-96-4-T, jugement du 2 septembre 1998.
[7] Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), Chambre de première instance, Procureur c/ Alfred Musema, Affaire noICTR-96-13-A, Jugement du 27 février 2000.
[8] Par exemple, dans la culture musulmane, la sodomie est considérée constitue donc un outrage aux valeurs religieuses.

A propos de l’auteur
Evelyne Josse est psychologue, hypnothérapeute, praticienne EMDR et consultante en psychologie humanitaire http://www.resilience-psy.com/.
Bibliographie : Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, 2007, Desclée De Brouwer ; Le traumatisme psychique chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent, 2011, De Boeck ; Interventions en santé mentale dans les violences de masse, en collaboration avec V. Dubois, 2009, De Boeck.

Torture et violences sexuelles dans les conflits armés, des liens étroits. Evelyne Josse

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Rédigé le 03/04/2013 modifié le 14/04/2015

Laurent GROSS
Laurent Gross, Hypnothérapeute à Paris, Thérapeute EMDR - IMO. Formateur & Président du Collège... En savoir plus sur cet auteur

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