Hypnose & Techniques de Communication. La communication au coeur du métier d’infirmier anesthésiste, gérer et temporiser l’anxiété.

Laurent Gross, du Collège d’Hypnose Ericksonienne de Paris est heureux de vous présenter les travaux d’Hélène BITARD, infirmière anesthésiste, Hôpital de la Salpêtrière Paris.
Ecole des Infirmiers Anesthésistes
Hôpital de la Salpétrière
Travail d'intérêt professionnel.
DILÔME D’ETAT D’INFIRMIER ANESTHESISTES
La communication au coeur du métier d’infirmier anesthésiste, gérer et temporiser l’anxiété.

PROMOTION 2008-2010 - BITARD Hélène



L’anxiété au bloc opératoire

L’anxiété se définit par un état d’angoisse c'est-à-dire un malaise psychique et physique, né du sentiment de l’imminence d’un danger, caractérisé par une crainte diffuse pouvant aller de l’inquiétude à la panique et par des sensations pénibles de constrictions épigastriques ou laryngée.

Les causes de l’anxiété

Elles sont pour moi multiples. L’angoisse peut venir de l’environnement, de l’anesthésie (la peur d’avoir mal, de ne pas dormir assez pendant l’intervention ou de ne pas se réveiller), mais elle peut aussi être liée à l’opération et ses suites.
Pour bien comprendre l’épreuve que représente le passage au bloc opératoire il faut se mettre à la place du patient.

Il est amené sur un brancard jusqu'à la salle d’opération, seulement vêtu d’une blouse en papier plus ou moins transparente, parfois il attend dans une salle d’attente commune à toute les salles d’opération, appelé dans certains établissements le « parking ».
Viennent les vérifications d’usages, qui sont réalisées par différents intervenants, tous portant un masque et une charlotte, rendant leur reconnaissance difficile. La répétition de cet interrogatoire peut être anxiogène pour le patient.

Une fois arrivé dans sa salle, on lui demande de s’installer sur la table d’opération et à peine recouvert de sa blouse en papier il est alors exposé à la température glaciale du bloc. Il découvre avec un champ de vision limité les machines et le matériel qui l’entourent mais aussi parfois son reflet dans les scialytiques qui lui font face. On installe ses bras en croix sur des appuis bras avant de mettre en place les différents monitorages. Cette représentation est symboliquement anxiogène pour beaucoup de patients.
A ce moment toute une série de bruits apparait comme celui de la fréquence cardiaque mais aussi ceux liés à l’installation du matériel de chirurgie et l’ouverture des boîtes métalliques qui contiennent les instruments. Le patient est alors endormi par l’équipe d’anesthésie.
Tout au long de son passage au bloc et jusqu'à son retour en chambre le patient reste allongé face au personnel debout. Cela le met le patient en position d’infériorité face à des soignants qui ont une certaine toute puissance sur son avenir médical.

Les répercussions du stress
Le stress est une réponse non spécifique de l’organisme à n’importe quelle demande à laquelle il doit faire face. Une infection, une intoxication, mais aussi un grand plaisir, tout comme une grande douleur, constituent des agents stressants qui demandent à l’organisme un certain travail d’adaptation, dont les manifestations non spécifiques viennent s’ajouter à l’action, elle spécifique, de chacun de ses agents.

Le stress engendre des réactions psychologiques (comme l’inquiétude ou les troubles du sommeil) ainsi que des réactions nerveuses et hormonales pour faire face aux agressions extérieures. Le système nerveux sympathique est stimulé ce qui accroit la sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline. Ces hormones permettent la mobilisation des forces physiques en majorant le débit et la fréquence cardiaques ainsi qu’en potentialisant la contraction musculaire. Sur le plan respiratoire l’élévation de la fréquence respiratoire s’associe à une bronchodilatation.

Il semble donc nécessaire de diminuer l’anxiété préopératoire. Mais quels sont les moyens à notre disposition ?

Comment minimiser l’anxiété pré opératoire ?

La première solution est d’apporter au patient des informations accessibles et loyales lui permettant de participer aux choix thérapeutiques qui le concernent.
Cela est réalisé par le chirurgien qui pose l’indication chirurgicale mais aussi lors de la consultation d’anesthésie. Celle-ci est réalisée par un médecin anesthésiste réanimateur plusieurs jours avant l’intervention. Le médecin évalue le dossier médical et établit le protocole d’anesthésie ainsi que la stratégie anxiolytique pré opératoire à adapter au patient.

L’information peut aussi être recherchée auprès du personnel soignant lors de l’hospitalisation ou lors de la visite pré anesthésique généralement réalisée la veille de l’opération par l’anesthésiste de garde.
La deuxième solution est la prémédication. Cette pratique est quasiment universelle, elle consiste à administrer un agent anxiolytique en tenant compte de son délai d’action pour que son efficacité soit maximale lors de l’arrivée du patient au bloc opératoire.

Pour le Professeur Chauvin il y a une corrélation positive entre l’anxiolyse et la facilité d’induction, et la diminution des besoins en agents anesthésiques.

L’anxiété préopératoire est donc un phénomène bien connu au bloc opératoire. Les diverses consultations précédant l’intervention sont des moments clefs pour dépister le stress du patient et mettre en oeuvre des stratégies thérapeutiques afin de faciliter le travail de l’équipe anesthésique et assurer le confort du patient.

Le rôle de l’infirmière anesthésiste

Elle se doit, de par son rôle propre, de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la détresse psychique des personnes. C’est lors de l’accueil du patient à son arrivée au bloc opératoire et à travers le biais de la communication qu’elle peut évaluer son niveau d’anxiété ainsi que l’effet de la prémédication. L’infirmière anesthésiste a un rôle à jouer dans la prise en charge de l’anxiété. C’est en effet une des personnes qui est présente dès l’arrivée du patient au bloc et ce jusqu'à son endormissement.

C’est à cette étape que l’aspect relationnel de notre métier prend tout son sens.
L’accueil se définit par la manière de recevoir quelqu’un, de se comporter avec lui quand on le reçoit, quand il arrive, ainsi qu’à un besoin d’intégration et d’adaptation de l’individu dans une structure donnée.
Il convient d’avoir conscience tout au long de sa journée de travail que l’accueil d’un patient passe tout d’abord par la manière de lui parler. Il est question d’accueillir un patient avec bienveillance, tout en gardant une distance professionnelle. Il doit avoir l’impression d’être attendu ou du moins que son arrivée ne perturbe pas l’organisation du service. Il me semble primordial de le saluer et de lui accorder un instant d’échange attentif et bienveillant. Même si cela relève plus de la bienséance, c’est pour moi les bases d’une relation respectueuse.

L’accueil est donc un moment clef qui doit être organisé.
Nous avons vu précédemment que l’univers du bloc opératoire est cause d’anxiété chez les patients. Il convient par conséquent de limiter cette cause exogène, le patient doit être réchauffé dès son arrivée et son confort doit être assuré. Certains préconisent l’utilisation de lumières douces, la musicothérapie ou la diffusion d’huiles essentielles pour favoriser la relaxation de patients.

L’infirmière anesthésiste doit ensuite réaliser les vérifications d’usage : l’identité, le respect du jeûne… elle doit prendre connaissance du dossier d’anesthésie et s’assurer de la normalité des bilans biologiques prescrits. Cette étape doit être utilisée comme un moyen d’établir un contact avec le patient sans induire une anxiété supplémentaire. L’infirmière anesthésiste doit consacrer cet interrogatoire à l’observation des réactions du patient et ainsi évaluer ses besoins spécifiques. Il faut pour cela faire preuve d’écoute active.
Écouter c’est entendre sans distorsion ni confusion possible, les sons prononcés.
Il faut être disponible et réceptive pour pouvoir prêter attention au discours de l’interlocuteur tout en observant les gestes, attitudes, et expressions du visage qui renseignent tout autant sur le ressenti du patient. C’est ainsi que l’infirmière peut adapter son attitude et répondre aux éventuelles interrogations du patient afin d’alléger ses angoisses et ainsi pouvoir débuter l’anesthésie dans les meilleures conditions possibles.

Voici comment l’accueil d’un patient doit se réaliser pour mettre en application ces recommandations.
Il est tout d’abord essentiel que ce moment soit entièrement destiné au patient, pour cela il est nécessaire que l’ouverture du site anesthésique soit réalisée au préalable. Ce qui permet de se concentrer sur l’accueil du patient et éviter ainsi les erreurs ou oublis qui pourraient mettre en péril la sécurité anesthésique.
A l’arrivée du patient, je le regarde, lui dit bonjour et me présente en lui donnant mon prénom ainsi que ma fonction. Je lui explique que je fais partie de l’équipe anesthésique et que je vais le prendre en charge jusqu'à son réveil et son transfert en salle de surveillance post interventionnelle. Cette présentation personnelle permet au patient de commencer à identifier son nouvel environnement.

Je regarde ensuite son dossier d’anesthésie et lui pose les questions d’usage. J’essaye de ne pas réaliser cette vérification comme un interrogatoire mais plutôt comme une discussion. Il est donc important d’inclure l’individualité du patient dans les questions posées en lui demandant, par exemple, s’il a bien dormi, s’il est confortablement installé. La vérification du dossier médical est utilisée comme vecteur pour instaurer une communication et évaluer son anxiété. Cette discussion doit être un moment d’écoute et d’observation pour recueillir des informations sur la communication verbale et non verbale du patient. J’essaye de m’exprimer avec des mots à connotation positive pour éviter de rajouter une anxiété supplémentaire ainsi je préfère dire lors de la pose de voie veineuse périphérique « cela ne va pas être agréable » plutôt que « ça va faire mal ».

Il me semble important de proposer au patient de répondre à ses éventuelles interrogations et de lui expliquer les étapes de sa mise en condition et de son induction anesthésique. Cela permet de lui donner une maitrise des événements présents et à venir. Tout ceci peut être réalisé dans un temps très court puisque la communication n’empêche pas la mise en condition simultanée du patient.
J’essaye, ensuite d’améliorer son confort en assurant le respect de son intimité à tous les moments de sa prise en charge, en le réchauffant le plus tôt possible grâce à une couverture ou en utilisant le réchauffeur à air pulsé. Il convient d’améliorer la position de sa tête et le maintien de ses bras en utilisant le matériel adapté à sa morphologie. La coopération de l’équipe chirurgicale est importante pour réduire le bruit lié à la préparation du matériel afin de réaliser l’induction anesthésique dans des conditions rassurantes.
L’aspect relationnel de l’infirmière anesthésiste se concentre sur une période très courte et nécessite donc une bonne maîtrise de la communication pour pouvoir optimiser la relation avec le patient.


Les techniques de communication

Comme nous l’avons vu précédemment les apports théoriques sur la communication relèvent de notre formation initiale. J’ai voulu profiter de ce travail d’intérêt professionnel pour redéfinir la communication et mettre en avant la Programmation Neuro Linguistique (PNL) et l’hypnose en tant que théories de communication.

La communication
La communication se caractérise par le fait de communiquer, d’être en relation avec une autre personne. C’est faire connaître quelque chose à quelqu’un, dire, divulguer, donner, livrer, publier, transmettre. Il est sous entendu dans ces définitions que c’est un type de relation qui s’établit entre deux personnes. C’est un des besoins fondamentaux de l’être humain au même titre que les différents besoins psychologiques ou physiologiques.

La communication est classiquement définie par le modèle du code établi par Claude Shanon et Warren Weaver, deux ingénieurs américains en 1948. Ils partent du postulat que communiquer c’est reproduire à un point donné, de manière exacte ou approximative, un message sélectionné à un autre point. Ils créent la notion d’émetteur et de récepteur. Le message étant un ensemble de codes transitant par un canal.
L’émetteur est celui qui désirant mettre en commun avec un autre, va livrer quelque chose de lui-même, ou simplement une information qu’il détient, à quelqu’un d’autre ; va adresser un message à cet autre, en lui offrant du fait même la possibilité de devenir son interlocuteur.

Le récepteur est celui qui accueille le message de l’émetteur. Chaque personne est donc tour à tour émetteur et récepteur et pour que la communication perdure il faut que tous deux soient attentifs et réceptifs l’un à l’autre.
Il y a différents types de communication et donc différents types de messages.
La communication la plus commune est verbale. Le téléphone est par exemple un des plus grands modes de communication de notre société mais on peut aussi communiquer par écrit à travers une lettre ou un « tchat » internet.
La maîtrise du langage tient donc une place prépondérante dans la composition du message, quelle que se soit son origine ou son utilisation.

Mais le langage n’est pas le seul moyen de rentrer en relation, le petit enfant met souvent du temps à l’acquérir mais il arrive pourtant dès sa naissance à échanger avec son entourage. Le nourrisson s’exprime grâce à des pleurs, des cris, puis des babillages, mais aussi par le regard ou toutes les expressions qui s’affichent sur son visage.

Le toucher est aussi, dès le plus jeune âge un mode d’expression entre l’enfant et ses parents. On peut aussi considérer l’art comme un mode de communication, puisqu’à travers une peinture lors d’un concert ou d’un ballet on peut ressentir des émotions ou entendre un message.

Une fois adulte ou en tous cas dans la sphère professionnelle notre mode de communication est essentiellement verbal. On s’attache plus facilement au poids des mots qu’à ce qui entoure notre discours. La communication non verbale est pourtant tout aussi importante, elle représente 70 % des messages que l’on transmet et que l’on reçoit. Elle confirme le discours, donne du sens au langage qui compose le message. Ainsi lors de l’annonce d’un heureux événement le récepteur s’attend à voir son interlocuteur content, qui sourit, et pourquoi pas qui saute de joie ou tape des mains.

La communication non verbale comprend donc aussi bien la posture de l’émetteur, que le ton ou le rythme de sa voix, sa gestuelle mais aussi les expressions de son visage.
Comme on l’a vu précédemment la communication a une notion dynamique, chaque individu est à son tour émetteur et récepteur. Après décodage de l’information, le récepteur a pour rôle d’envoyer en retour un message de rétroaction ou feedback . C'est un message, verbal ou non, renvoyé par réaction par le récepteur, à l'émetteur qui a pour but de confirmer ou infirmer la réception du message, demander des précisions, relancer ou terminer la discussion.

Il existe de nombreux obstacles à la communication. Ils peuvent être matériels tels que dans notre cas : le bruit, la promiscuité avec d’autres patients, les multiples interlocuteurs ou encore une élocution difficile liée à l’absence des appareils dentaires.
La barrière culturelle peut aussi altérer l’échange par la différence de mode de pensée ou de symbole reconnus et acceptés. Chaque culture a sa propre définition de la douleur ou de ce qui est verbalisable ou non.

L’aspect psychologique et affectif des interlocuteurs rentre aussi en compte. Ainsi, la peur de l’autre ou du jugement peuvent être un frein à la communication comme à l’inverse un besoin intense d’expression qui l’empêche d’écouter et d’être réceptif aux messages qui lui sont donné.
La communication nécessite donc un engagement des participants, en matière de temps, d’écoute, mais aussi de don de soi et de respect de son interlocuteur. L’infirmière anesthésiste doit s’attacher au contenu verbal et non verbal des messages que le patient lui envoie pour identifier au mieux ses besoins. Elle doit prendre en compte les dimensions psychologiques et culturelles de son interlocuteur dans le but d’adapter son discours et son attitude. Elle doit être disponible, à l’écoute, faire preuve d’empathie et dans la mesure du possible essayer de réduire les obstacles matériels.


L’hypnose
L’hypnose est une pratique de plus en plus rencontrée au bloc opératoire en complément d’une anesthésie générale ou loco-régionale. Elle se pratique assez fréquemment en pédiatrie mais est encore peu utilisée dans les secteurs adultes. Elle est avant tout un mode de communication, puisqu’elle utilise la parole, mais elle est à visée thérapeutique.

Les pères de l’hypnose
L’hypnose est née au 18ème Siècle par les travaux de Franz Anton Mesmer sur le magnétisme et ceux de son élève le marquis de Puységur sur le somnambulisme provoqué.
Au 19ème siècle, Professeur Pierre Charcot médecin chef à La Salpêtrière travailla, dans le cadre de ses études sur l’hystérie, sur l’hypnose qu’il définissait comme un état pathologique, une névrose hystérique artificielle.

Freud est venu à Paris en 1885 pour suivre les enseignements du Professeur Charcot. A son retour à Vienne il commença à pratiquer la psychothérapie en utilisant l’hypnose. Puis il rencontra, en 1889, Hyppolite Bernheim qui détenait la chair médicale de la faculté de médecine de Nancy, lors du premier congrès international de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique tenu à l’Hôtel Dieu de Paris. Bernheim soutenait que l’hypnose était un phénomène physiologique normal, applicable à chacun, susceptible d’accroitre la suggestibilité, déjà présente à l’état de veille.

La suggestibilité étant l’aptitude à être influencé par une idée acceptée par le cerveau et à la réaliser.

Freud abandonna progressivement l’hypnose et le décès du Professeur Pierre Charcot mit un terme à son évolution en France.
Il faut attendre les années 1970 et Milton Erickson, pour donner un nouveau tournant à l’hypnose. Pour lui l’inconscient est tout ce qui n’est pas conscient, c’est le dépositaire des apprentissages de vie du patient, c’est une instance positive et créatrice, où, avec l’aide du thérapeute, le patient peut élaborer de nouvelles solutions plus souples et plus adaptées que la conduite symptomatique actuelle.

L’approche Ericksonienne n’a pas pour but d’utiliser l’hypnose pour introduire des suggestions autoritaires dans l’inconscient du patient, mais plutôt de lui proposer de recombiner ses propres associations et utiliser ses propres ressources pour engendrer les changements dont il a besoin.

A la fin du 20ème siècle, l’hypnose est redevenue un centre d’intérêt en France grâce au travail de L. Chertock et D. Michaux sur l’hypno analyse thérapeutique dans la psychanalyse et la psychologie. Elle s’est aussi développée dans les traitements de la douleur, grâce notamment au travail du docteur Faymonville de l’hôpital de Liège. Son équipe utilise l’hypno sédation pour certaines interventions chirurgicales nécessitant auparavant une anesthésie générale. En France le Docteur J.M Benhaïem a développé la pratique de l’hypnose dans le cadre des soins médicaux et créa un diplôme universitaire d’hypnose à la faculté de La Pitié Salpêtrière.

Le comportement hypnotique
M.-E. Faymonville et son équipe définissent l'hypnose comme une interaction sociale dans laquelle une personne (appelée sujet) répond aux suggestions qui lui sont faites par une autre personne (appelée « hypnotiseur » ou «accompagnateur»). La façon dont ces suggestions sont proposées aux sujets obéissent à des règles particulières de sémantique et d'intonation de la voix (techniques hypnotiques d'induction) afin de produire chez le sujet, qui est d'accord pour collaborer, un changement dans le mode de fonctionnement du cerveau avec altérations des perceptions, de la mémoire et de l'action volontaire. Le vécu hypnotique se caractérise par la baisse du niveau d’attention par rapport à la réalité externe, le patient perd progressivement conscience de la situation mais aussi celle de son corps dans l’espace. L’hypnose engendre une diminution des activités de contrôle entrainant un certain « lâcher prise ». Elle modifie la perception auditive de l’environnement, les bruits extérieurs tendent à diminuer contrairement à la voix de l’hypnotiseur qui reste perçue normalement.

Physiologie de l’hypnose
Les nombreuses études de l’imagerie cérébrale de patient en état hypnotique ont montré des modifications de flux sanguin cérébral dans différentes régions du cerveau mais aussi une implication prépondérante de l’hémisphère droit et un désengagement de l’hémisphère gauche. En 2004, le Docteur Rainville démontre que la conscience comporte des propriétés expérientielles fondamentales qui se trouvent altérées pendant l’hypnose… Ainsi le sentiment normal de contrôle volontaire que nous éprouvons est apparemment associé à une limitation de l’accès à certains mécanismes modulateurs fondamentaux du système nerveux. L’hypnose, en mettant en suspend ce sentiment de soi-agent, augmenterait à la fois le potentiel expérimental et d’autorégulation somatique.

Les indications de l’hypnose
En psychothérapie
Les indications de l’hypnothérapie sont assez larges. Elles comprennent tous les troubles ayant pour origine l’anxiété, c'est-à-dire les névroses phobiques, les troubles paniques… On peut aussi traiter les troubles obsessionnels avec ou sans troubles compulsifs, les troubles traumatiques, les états dépressifs mais aussi les troubles de la personnalité. Il est contre indiqué d’utiliser l’hypnose pour les troubles psychotiques ou paranoïaques.

Le traitement de la douleur
La douleur est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion. D’après Michel Wolfromm « la douleur prend son sens par l’attention qu’elle suscite, les souvenirs qu’elle évoque et les craintes qu’elle imagine pour l’avenir ». L’hypnose engendre un mécanisme qui empêche l’information douloureuse d’atteindre le cortex somato-sensoriel mais aussi un contrôle supérieur de ces informations par inhibition au niveau spinal ou supérieur suivant les patients.
L’hypnoanalgésie peut être envisagée lors de douleur aigüe, dans l’urgence (par exemple lors de la prise en charge d’un patient porteur d’une fracture ou faisant un infarctus), lors de soins douloureux tels que certaines mobilisations, la réfection d’un pansement ou lors d’une injection. On peut l’envisager pour les douleurs chroniques résistantes aux thérapeutiques habituelles pour son action sur les messages douloureux mais aussi pour travailler sa composante émotionnelle.

Autres indications
L’hypnose peut être utilisée dans la prise en charge des migraines, des pathologies cancéreuses, des soins palliatifs mais aussi des femmes enceintes dans les services d’obstétriques.

L’intervention chirurgicale
L’hypnose peut être utilisée lors des différentes consultations précédant l’intervention pour préparer le patient à l’intervention, mais aussi lors de l’acte chirurgical dans le cadre d’une hypno sédation, c'est-à-dire une technique anesthésique combinant l'hypnose à une sédation consciente intraveineuse ainsi qu’à une anesthésie locale. Elle a pour avantage de rendre le patient actif, lui donner un sentiment de contrôle dans le processus de soins. Elle permet donc de contrôler l’anxiété, la douleur éventuelle, mais aussi l’intervention, la période post opératoire et la convalescence.

Il existe quelques contre indications à cette pratique telle que la surdité, les atteintes cognitives sévères, les désordres psychiatriques mais aussi l’allergie aux anesthésiques locaux ou le décubitus dorsal impossible.
En pratique, le patient est hospitalisé la veille ou le jour même de l’intervention, il bénéficie d’une prémédication à visée anxiolytique. A son arrivée au bloc opératoire, il fait l'objet d'une surveillance cardiaque et respiratoire classique. L'induction hypnotique dure cinq à dix minutes. Après cette induction, l'anesthésiste commence la sédation intraveineuse qui se compose de Midazolam et d’un morphinique puissant tel que le Sufentanil ou le Rémifentanyl. L’état hypnotique est entretenu tout au long de l’intervention, les paramètres vitaux sont surveillés et les agents anesthésiques adaptés aux réactions éventuelles du patient ainsi qu’aux temps chirurgicaux. La réalisation de cette technique nécessite l’implication de tous les intervenants puisqu’elle nécessite un environnement calme et une réduction des bruits extérieurs (alarmes, conversations…). A la fin de l’intervention le patient est invité à sortir de l’état d’hypnose et est conduit en salle de surveillance post interventionnelle.

Cette technique apporte de nombreux avantages puisqu’elle permet au patient de rester conscient lors de l’acte chirurgical. La forte réduction des agents anesthésiques intra veineux procure plus de confort au patient : moins d'anxiété, moins de douleur, plus de contrôle et plus de confort postopératoire avec moins de douleurs et de nausées ou vomissements. Elle permet aussi une récupération postopératoire et des activités professionnelles plus rapides, ainsi qu’une réduction des coûts hospitaliers.
L’hypnose est à mon sens un très bon outil de communication. Elle a pour moi une dynamique positive puisque le patient devient acteur de son évolution et utilise ses propres ressources. Elle garantit le confort ainsi qu’une prise en charge globale du patient dans ses dimensions physiologiques et psychologiques. Elle a aussi un grand intérêt dans la politique de réduction des coûts en matière de santé en réduisant la durée d’hospitalisation post opératoire. L’hypnose nécessite cependant une formation spécifique et relève d’une dynamique d’équipe.

Ces techniques de communication nécessitent une connaissance et une maîtrise importante pour pouvoir être utilisées au quotidien dans nos blocs opératoires mais elles apportent une réelle plus-value dans la prise en charge des patients.

NDL: D. Michaux, Y. Halfon, C.Wood -Manuel d’hypnose pour les professions de santé- Maloine
M.-E. Faymonville, J. Joris, M. Lamy, P. Maquet, S. Laureys -Hypnose : des bases neurophysiologiques à la pratique clinique SFAR conférences d’actualisation 2005


Rédigé le 18/06/2011 modifié le 11/06/2012


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